Un Parcours de Vie et de Guérison : de l’Ombre à la Lumière
Dès mon plus jeune âge, la vie m’a confrontée aux ténèbres, à des blessures intenses qui ont laissé des empreintes indélébiles dans mon âme. À une époque où j’aurais dû connaître l’innocence, j’ai porté en silence le poids des abus subis, une douleur enfouie qui s’est installée, à la fois invisible et omniprésente. Lorsqu'en sixième, j'ai rencontré mon premier amour, j’ai voulu y croire, j’ai voulu croire en la beauté des sentiments. Mais le poids des regards, de mes peurs et de mon passé était trop lourd. Ce premier amour, aussi doux soit-il, s’est vite effacé, étouffé par la peur et la honte. Une ombre avait pris racine en moi, une ombre que j'ai emportée en silence, étouffant mon envie de liberté et d'authenticité.
Puis, un jour, je suis entrée à l’école des courses hippiques de l’AFASEC. Cet univers, qui aurait pu être intimidant, est devenu ma bouée de sauvetage. Là-bas, les chevaux sont devenus mes compagnons, mes confidents, mes guides. Dans leurs yeux, dans leur souffle, j’ai trouvé une forme de réconfort, une raison de vivre à une époque où chaque jour me paraissait une épreuve insurmontable. L’anorexie m’avait rongée jusqu’à m’enlever mes forces, mon énergie vitale, jusqu’à m’empêcher de me lever. Mais la relation que j’ai construite avec les chevaux a ravivé cette étincelle que je croyais éteinte, me rappelant que la vie pouvait encore avoir un sens.
Malgré ce souffle de vie retrouvé, un autre combat faisait rage en moi : le besoin d’être aimée, d’être acceptée. J'étais prête à tout sacrifier, à tout endurer pour combler ce vide affectif qui m’enchaînait. Je m'oubliais pour les autres, pour attirer l'attention et l'affection, incapable de dire non, même lorsque ma dignité en était écorchée. Et c’est dans cette vulnérabilité que le drame s’est de nouveau immiscé dans ma vie. À seulement 14 ans, j’ai été agressée, une nouvelle fois, alors même que je tentais de m’élever. J’ai dit non, à trois reprises, mais mes mots sont restés sans écho. Comme une répétition de l’horreur de mon enfance, mon corps s’est figé, incapable de se défendre, pétrifié par la peur, la honte, la douleur. Ce soir-là, ma confiance en moi, en les autres, s’est brisée. Je me suis murée dans le silence, persuadée que c’était de ma faute, préférant porter ce fardeau plutôt que de revivre l’humiliation des regards.
Mais un ami m’a vu dans cet état et a posé des mots sur ce que je refusais d’accepter : "C’est un viol." Ce mot résonnait comme un coup de tonnerre, trop insupportable à entendre, à accepter. Je le rejetais, je refusais de croire que j’étais une victime, m’accrochant à l’idée que j’étais coupable, que tout cela était ma faute. Et, avec le temps, le jugement des autres, les regards accusateurs, sont venus confirmer cette croyance, renforçant en moi cette image déformée de moi-même.
Ces années de souffrance ont teinté toutes mes relations, même avec cet amour de jeunesse qui est plus tard devenu mon compagnon. Je savais, dès le départ, qu’il me mentait, mais je préférais fermer les yeux, croyant qu’en me sacrifiant, en m’abandonnant, j’obtiendrais enfin cet amour dont je rêvais. Mais cette relation n’était qu’une illusion, une spirale où je confondais amour et douleur, où je cherchais dans l’autre ce que je ne pouvais trouver qu’en moi.
Un jour, il m’a poussée à reprendre les courses de chevaux, alors que ce monde, bien qu’empli de passion, représentait également mes plus grandes blessures. Mais par amour, par besoin d’être aimée, j’ai accepté. Et cette décision m’a menée à des accidents, des chutes violentes qui auraient pu m’enlever la capacité de marcher. Des fractures graves, des mois de souffrance, un fauteuil roulant, et toujours cette voix intérieure qui refusait de croire aux pronostics pessimistes des médecins. Les chirurgiens eux-mêmes étaient stupéfaits que j’aie échappé à la paralysie. Je savais que la vie me mettait encore à l’épreuve, qu’elle me confrontait à mes limites pour me pousser à découvrir ma propre force.
Ces années d’accidents, de rééducation, ont été pour moi un tournant, une renaissance. Clouée au lit, incapable de bouger, j’ai plongé en moi-même, j’ai exploré les tréfonds de mon être. J’ai compris que cette douleur physique n’était qu’une manifestation des blessures de mon âme, et que pour guérir, je devais enfin accepter de me libérer de mon passé. Peu importe ce que les autres pouvaient dire, j’ai choisi de me battre pour moi-même. J’ai arrêté de fumer, j’ai repris le sport, j’ai cultivé ma propre guérison. Un cheval est même entré dans ma vie à cette époque, un guide, un ange, qui m’a montré le chemin de la résilience et de la guérison.
Aujourd’hui, ma vie a pris un tournant. J’ai appris à ne plus rechercher l’approbation extérieure, à ne plus sacrifier ma dignité et mon âme pour être aimée. J’ai compris que l’amour ne se trouve pas dans la soumission ou le sacrifice de soi, mais dans le respect et la valorisation de ce que l’on est. Ma force intérieure, mon intuition, je les écoute désormais en silence. J’ai enfin retrouvé ma place.
Ce parcours m’a forgée, et chaque épreuve a été une leçon, un pas de plus vers cette personne que je suis aujourd’hui. Les moments sombres, les trahisons, les chutes, tout cela a fait de moi une âme plus forte. Je ne regrette rien. Avec gratitude, j’embrasse ce chemin de vie que j’ai choisi, car aujourd’hui, plus rien ni personne ne peut m'ébranler.
Magali Merlo